Étude sur la loi sur le sexisme : une série de recommandations pour se mettre en conformité par rapport aux obligations internationales de la Belgique
La loi sur le sexisme de 2014 vise à lutter contre le sexisme dans l’espace public. Une étude menée par Demos, en concertation avec la société civile, montre que cette loi a abouti effectivement à des condamnations mais que la connaissance et la portée de la loi sont trop limitées. De plus, le sexisme en ligne ne peut pas être sanctionné de facto. L'étude se termine par une série de recommandations sur la prévention et l'application de la loi, dont certaines nécessitent des modifications législatives. La secrétaire d'État à l’Egalité des genres, à l'Egalité des chances et à la Diversité considère l'étude comme un point de départ pour une lutte plus efficace contre le sexisme dans l’espace public : hors ligne et en ligne.
L'étude menée par Demos est l'une des mesures du plan d'action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN) 2012-2025. Elle montre que la loi sur le sexisme aboutit effectivement à des condamnations, mais que la connaissance et la portée de la loi sont trop limitées. L'étude fournit une série de recommandations qui pourraient aider à lutter contre le sexisme dans l’espace public. Certaines de ces recommandations ne nécessitent pas de modifications législatives, comme un meilleur éclairage des rues, des gares, des arrêts de bus, etc., des campagnes de sensibilisation, des délais plus courts pour les procédures pénales, une meilleure collecte de données, etc. Quelques autres requièrent des changements législatifs comme, par exemple, l'introduction d'une ou plusieurs dispositions légales qui interdisent clairement et aisément le harcèlement dans les espaces publics (à la fois hors ligne et en ligne).
- Les messages sexistes écrits (y compris en ligne) restent sous le radar
L’étude relève à ce sujet qu’une part importante des phénomènes de sexisme n’est pas sanctionnée par la loi. En effet, les messages sexistes écrits (y compris en ligne) sont considérés comme un "délit d'imprimerie", pour lequel seule la Cour d'assises est compétente en vertu de l'article 150 de la Constitution. Dans la pratique, cependant, presque aucun délit de presse n'est porté devant la Cour d'assises. Les délits de presse à caractère sexiste, y compris les messages de haine diffusés en ligne, bénéficient donc d'une réelle impunité. Pourtant, cette cyberviolence est très répandue.
Une directive du Parlement européen précise : " on estime qu'une jeune femme sur deux a été victime de cyberviolence fondée sur le sexe. Dans l'ensemble, les femmes sont plus susceptibles d'être confrontées à la cyberviolence fondée sur le genre ou le sexe, et en particulier à des formes de cyberviolence à caractère sexuel. » Les femmes peuvent également être la cible de groupes d'extrême droite et de groupements qui cherchent à semer la haine contre elles.
En outre, l'étude affirme que l'absence d'application de la loi sur le sexisme dans les cas de harcèlement en ligne et de discours haineux à l'encontre des femmes et des jeunes filles est problématique au regard de la Convention d'Istanbul, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, des recommandations internationales et européennes visant à garantir la liberté d'expression des femmes et des jeunes filles, et de la future directive européenne visant à lutter contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
- Le sexisme, en ligne et hors ligne, bâillonne trop de femmes
Pour la secrétaire d'État Marie Colline Leroy : « Le sexisme, en ligne et hors ligne, fait taire trop de femmes. Des femmes se déconnectent des plateformes de médias sociaux parce qu'elles ne veulent plus subir les nombreuses insultes, souvent sexistes ; des femmes n'osent pas sortir seules dans la rue le soir de peur de se faire crier dessus, poursuivre et parfois même d’être victimes d’attouchement. Ainsi, la voix des femmes dans le débat sociétal est étouffée. En renforçant les mesures de prévention et de lutte contre le sexisme, nous pouvons faire en sorte que tout le monde ose s'exprimer ouvertement. »
Modifier l'article 150 de la Constitution pour lutter contre le sexisme en ligne
Il faut donc agir. La secrétaire d'État à l'Egalité des chances va soumettre les recommandations de l'étude au groupe de travail interministériel qui réunit les cabinets et départements ministériels fédéraux, communautaires et régionaux impliqués dans la mise en œuvre du plan d'action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN). Elle demande également au Parlement de prendre les mesures nécessaires pour modifier l'article 150 de la Constitution afin que les délits de presse motivés par le racisme ou la xénophobie ne soient pas les seuls à pouvoir être jugés par le tribunal correctionnel. En effet, en l'absence d'une telle modification constitutionnelle, les auteurs d'opinions écrites publiées (numériques ou non) qui constituent des délits de sexisme ne peuvent être tenus pour pénalement responsables. Des textes pour réviser l'article 150 dans ce sens ont été déposés à la Chambre sous cette législature. Cette étude rappelle encore une fois la nécessité et l'urgence de dégager une majorité des deux tiers pour avancer et lutter efficacement contre les propos sexistes.
- Changement de perception sur le sexisme
Par ailleurs, la secrétaire d'État souligne et salue également l’impact positif de la loi sur la perception du sexisme : « Avec la loi sur le sexisme, notre pays a envoyé un message très clair : nous ne tolérons pas le sexisme. En outre, la loi apporte un soutien et une reconnaissance importants aux victimes. La prochaine étape doit être de pouvoir lutter contre le sexisme en ligne et d'initier un changement de mentalité dans ce domaine. Le monde en ligne est aujourd’hui livré à certaines personnes qui n'hésitent pas à utiliser le sexisme, l’intimidation pour réduire au silence. »
La loi de 2014 sur le sexisme a récemment conduit à la condamnation de Jeff Hoeyberghs. Il a été reconnu coupable d'infractions à la loi sur le sexisme et à la loi sur le genre en raison des propos misogynes et sexistes qu'il a tenus lors d'une conférence publique.