Renforcement de l'arsenal législatif contre les discriminations
Ce jeudi 22 juin, le Parlement fédéral a approuvé un projet de loi visant à modifier la législation anti-discrimination et porté par la secrétaire d’État à l’Egalité entre les femmes et les hommes, à l’Egalité des chances et à la Diversité, Marie-Colline Leroy.

Les modifications législatives visent à rendre plus efficace le cadre législatif actuel pour réduire la discrimination : en triplant les montants des sanctions, en reconnaissant la discrimination multiple, en modernisant la terminologie et en permettant aux groupes d'intérêt d'intenter une action en justice. La secrétaire d'État Marie-Colline Leroy se réjouit de cette adoption : "C’est une étape importante dans la lutte contre les discriminations dans notre pays. La Belgique se classe parmi les premiers pays en termes d'actions contre toutes les formes de discrimination. En élargissant et en clarifiant les définitions, mais aussi en punissant plus sévèrement les auteurs, nous assurons une plus grande égalité des chances pour tous les citoyens".
Des sanctions plus sévères pour les auteurs de discriminations :
Pour la première fois depuis 16 ans, les montants forfaitaires des sanctions pour discrimination seront augmentés, sauf pour la discrimination sur le lieu de travail, qui fait l'objet d'un cadre distinct. Plus précisément, les montants seront triplés, c'est-à-dire qu'ils passeront de la tranche de 650 euros à 1 300 euros, à celle de 1 950 euros à 3 900 euros. Ces montants seront désormais indexés annuellement. La publication du jugement sera facilitée et le juge pourra également imposer des mesures positives, telles que la réalisation d'un audit interne ou l'adoption d'une politique de diversité.
Modernisation de la terminologie :
- l'utilisation du terme "origine" entravait l'application de la législation anti-discrimination aux personnes qui étaient traitées de manière défavorable en raison de leur condition sociale. En élargissant à "l'origine ou la condition sociale", un ancien prisonnier, par exemple, ne pourra plus se voir refuser une candidature à un emploi en raison de sa condition.
- L'expression "changement de sexe" est remplacée par "transition médicale ou sociale". L'expression "changement de sexe" n'est plus soutenue ni par le monde scientifique ni par le mouvement transgenre. Par conséquent, une personne transgenre qui a subi une transition sociale, comme l'adaptation de ses papiers d'identité, mais qui n'a pas subi de transition physique spécifique, sera désormais également protégée.
- Le projet de loi reconnaît explicitement les cas de discrimination multiple. La Belgique est l'un des premiers pays européens à le reconnaître, à l'instar de la Norvège et du Portugal, par exemple. La discrimination multiple peut prendre deux formes :
o la discrimination cumulée - c'est-à-dire lorsqu'une personne, dans une même situation, est victime de plusieurs formes de discrimination, chacune liée à une caractéristique qu'elle possède. Exemple : une femme malentendante est rejetée par un employeur qui indique dans sa lettre de refus qu'elle ne peut être embauchée dans son entreprise en raison de son handicap ET du fait qu'elle est enceinte. Le demandeur d'emploi cumule donc deux discriminations.
o la discrimination intersectionnelle - lorsque des personnes sont discriminées sur la base de différentes caractéristiques combinées, la discrimination les affectant uniquement parce qu'elles présentent ces caractéristiques en même temps. Exemple : un hôtel refuse explicitement les femmes asiatiques parce qu'il les considère automatiquement comme des travailleuses du sexe. En revanche, un homme asiatique ou une femme non asiatique sont autorisés à entrer.
- Le concept de "discrimination par association" est introduit, c'est-à-dire une situation dans laquelle une personne est discriminée parce qu'elle a des liens étroits avec une personne qui présente un critère protégé. Exemple : le père d'un enfant handicapé est licencié par son employeur peu après la naissance parce que l'employeur estime que le père de l'enfant ne sera pas suffisamment disponible et flexible pour travailler.
- Enfin, le projet de loi reconnaît explicitement les cas de "discrimination fondée sur un critère supposé". En d'autres termes, lorsqu'une personne est discriminée parce qu'elle est perçue comme ayant une caractéristique protégée qui lui est en fait étrangère. Exemple : un homme hétérosexuel participant à la Belgian Pride est attaqué en marge du cortège parce que ses agresseurs pensent qu'il est homosexuel en raison de sa présence à l'événement.
L'introduction de ces notions peut s’intégrer, dans le cadre d’une procédure judiciaire, dans les motifs de justification, qui doivent être appliqués en faveur de la victime, et d'indemnisation, pour lesquels le juge a la possibilité de prévoir un cumul de dommages et intérêts.
Possibilité pour les groupements d’intérêts d’agir en justice :
Les groupes d'intérêt peuvent déjà intenter une action en justice si la victime donne son consentement. Cependant, la victime peut ne pas être en mesure de donner son consentement parce qu'elle est décédée ou qu'elle se trouve dans une situation vulnérable. Normalement, c'est le représentant légal qui donne son consentement dans de tels cas, mais parfois le représentant légal est la cause même de la situation de la victime, par exemple lorsqu'il organise une pratique de conversion qui réduit la victime au silence ou conduit à son décès. Désormais, les groupes d'intérêt dans ces situations spécifiques peuvent agir en justice sans consentement dans le respect de la présomption d'innocence de l'accusé.
En 2022, la Commission d'évaluation de la législation fédérale anti-discrimination, composée de 10 experts indépendants (issus du monde académique, syndical, patronal, judiciaire et de la société civile), a remis un rapport d'évaluation assorti de nombreuses recommandations. Ces recommandations seront suivies pour renforcer la législation anti-discrimination existante.
